Djalal Talabani, de la guérilla à la présidence irakienne

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REUTERS | 22 avril 2006
par Seb Walker, Joseph Logan et Terry Friel

BAGDAD (Reuters) - Confirmé samedi à la présidence de l'Irak, le Kurde Djalal Talabani a passé la plus grande partie de sa vie à défendre sa communauté et se considère comme le "parrain" du processus démocratique dans son pays.
Surnommé affectueusement "Mam" (oncle) par les Kurdes, Talabani, premier membre de sa communauté à être devenu chef de l'Etat irakien et premier président non arabe d'un pays arabe, a joué un rôle décisif dans les tractations pour la formation d'un gouvernement d'union nationale.

Après les législatives du 15 décembre, il s'est joint aux dirigeants sunnites et kurdes pour demander la démission du Premier ministre Ibrahim Djaafari et il s'est désisté en faveur du chiite Djaouad Maliki pour ce poste.

Né en 1933, Talabani s'est largement consacré à lutter pour l'indépendance des Kurdes de l'Irak, pays dont il est aujourd'hui président - fonction surtout honorifique.

Talabani a rallié les rangs du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) après le coup d'Etat baassiste de 1958. Impétueux, intelligent, ambitieux, il s'impose comme l'un des lieutenants de Moustafa Barzani, père du nationalisme kurde et fondateur du PDK, dont le fils Massoud sera longtemps son rival.

Car cet ancien "peshmerga" aujourd'hui septuagénaire a combattu non seulement la répression du régime baassiste de Saddam Hussein mais aussi les clans kurdes rivaux, manipulés selon les circonstances par les puissances régionales.

Se posant en homme moderne, socialiste et urbain, par opposition au pouvoir "tribal" exercé par le vieux Barzani, Talabani se sépare de ce dernier et quitte le PDK en 1974, après l'échec d'un soulèvement contre le gouvernement irakien.

L'année suivante, Talabani crée à Damas l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), mouvement rival du PDK, et coopère avec les puissants voisins turcs et iraniens et, plus épisodiquement, avec le régime de Saddam Hussein.

Mais ces puissances régionales demeurent fermement opposées au projet, partagé par la plupart des 30 millions de Kurdes, d'un Kurdistan indépendant. Elles sont plus enclines à utiliser, à leurs propres fins stratégiques, les minorités kurdes de leurs voisins.

UNE UNION QUI PORTE SES FRUITS

Le gazage de 5.000 Kurdes à Halabja, en 1988, donne à Talabani sa leçon la plus cuisante. Le régime de Bagdad met ainsi fin à une offensive menée par l'UPK avec le soutien de Téhéran dans les derniers mois de la guerre Iran-Irak.

Même le soulèvement contre Bagdad qui a suivi la guerre du Golfe de 1991 avec les encouragements des Alliés, ne permet pas à la minorité kurde irakienne d'accéder à une forme de souveraineté.

Talabani et Massoud Barzani, qui a succédé à son père Moustafa à la tête du PDK, gâchent l'occasion en se disputant le contrôle du gouvernement provisoire élu en 1992 dans le nord du pays.

Menacés d'un embargo par les Etats-Unis, les deux partis concluent une trêve en 1998, aux termes de laquelle ils coopèrent mais conservent deux administrations parallèles, le tout dans un Kurdistan protégé par les avions de guerre anglo-américains.

Pour les élections du 30 janvier 2005, l'UPK et le PDK se mettent d'accord sur une liste commune, donnant enfin l'image d'une communauté unie, ce qui lui vaut le score remarquable de 25% des suffrages et un droit de regard sur les futures institutions du pays.
Les discours de Talabani, personnage costaud, prolixe, au visage de hibou mais capable de beaucoup d'intelligence, rappellent souvent aux Kurdes les souffrances qu'ils ont endurées sous la dictature de Saddam Hussein.

Mais les autres dirigeants kurdes et lui doivent aujourd'hui faire face à la fronde de cette communauté plus concernée par le manque d'infrastructures que par les souffrances du passé.