Diyarbakir : les maires kurdes empêchés

mis à jour le Jeudi 18 juin 2020 à 16h16

franceculture.fr | Cultures Monde par Florian Delorme

Troisième temps de notre semaine consacrée à la gouvernance des villes. Aujourd'hui direction la Turquie. La révocation des maires kurdes acte-telle la fin de tout espoir de changement, même à l’échelle d’une ville ?

Adnan Mizrakli est un médecin et militant politique kurde. Le 31 mars 2019, avec sa co-listière, il était élu maire de Diyarbakir, principale ville de la région et capitale historique - sinon symbolique - des territoires kurdes de Turquie. 

Mais le 19 août 2019, cinq mois seulement après sa prise de fonction, il était démi de ses fonctions par les autorités turques. Accusé de soutien au mouvement de lutte armée du PKK - considéré comme terroriste par l’Etat turc - il fut ensuite incarcéré puis remplacé à la tête de la ville par un administrateur. 

Adnan Mizrakli n’est pas le premier maire de Diyarbakir à terminer son mandat en prison. Sa prédécesseure, Gultan Kishanak a été condamnée à 18 ans d’emprisonnement pour des accusations similaires. Il n’est surtout pas le seul édile de la région à s’être vu retiré la charge de la ville et destitué de ses fonctions par les autorités. 

Sur les 65 maires élus aux dernières municipales en Turquie on dénombre déjà 45 maires “révoqués”. Lors de la précédente mandature, en 2014, sur les 102 municipalités remportées par le parti pro-kurde, 95 étaient ensuite passées sous le contrôle direct du gouvernement, via des technocrates, appelés les kayyum en turc. Un coup d’état politique dénoncent les élus kurdes qui masquerait selon eux la volonté d’une reprise en main non seulement militaire mais aussi politique la région. 

Mais en quoi ces municipalités représentent-elles une menace pour le Président Erdogan ? Comment comprendre cet acharnement du pouvoir sur les maires des partis pro-kurdes - pourtant légaux et autorisés ? 

Au-delà d’une posture d’opposition au pouvoir central, c’est aussi un projet politique alternatif que les dirigeants kurdes ont voulu mettre en place à Diyarbakir et dans d’autres villes de la région. Gouvernance partagée, émancipation des femmes et égalité des sexes en politique, lutte contre la corruption… La révocation des maires kurdes acte-telle la fin de tout espoir de changement, même à l’échelle d’une ville ?