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Des kurdes affirment que leurs geôliers ne respectaient même pas les cadavres


Lundi 9 octobre 2006 à 14h20

BAGDAD, 9 oct 2006 (AFP) — Deux kurdes ont raconté lundi devant le tribunal qui juge Saddam Hussein pour génocide, comment des corps de victimes de l'offensive irakienne contre le Kurdistan, en 1988, étaient jetés en pâture aux chiens, dans une prison sordide.

Abdel-Hadi Abdallah Mohammed, 41 ans, agriculteur de la région de Souleimaniyeh, capitale d'une des provinces du Kurdistan, a déclaré devant le tribunal que sa mère avait été arrêtée et conduite avec la population de son village vers la prison de Nugrat Salman, dans l'extrême sud désertique de l'Irak.

Elle n'est jamais revenue. La belle-mère d'Abdel-Hadi Mohammed, l'une des rares rescapées, lui a appris que sa mère était morte. "Elle a été enterrée, puis déterrée par un chien noir qui se nourrissait des corps", a-t-il dit devant le tribunal.

Un autre témoin, une kurde parlant anonymement derrière un rideau pour des raisons de sécurité, a également évoqué "le chien noir de la prison qui vivait grâce aux cadavres" des victimes.

La femme, âgée de 13 ans, lors de l'offensive de l'armée irakienne contre le Kurdistan en 1988, a raconté ce qu'elle et sa famille avaient enduré.

"Je connais le sort de ma famille: ils ont été enterrés vivants", a-t-elle dit après que le juge ait déclaré que les cartes d'identité des membres de sa famille avaient été retrouvées dans une fosse commune à Hadhar, près de Mossoul (nord).

Elle a également décrit les humiliations endurées pendant la période passée à Nugrat Salman. "Lorsque nous étions autorisées à prendre un bain, nous devions le faire devant les soldats parce que l'endroit était entouré de fils de fer barbelés". "Je voudrais poser une question à Saddam: Quelle faute avaient commise ces femmes et ces enfants ?", a-t-elle demandé.

Les deux témoins, dans des récits similaires à ceux qui se sont succédés au cours des dernières semaines, ont raconté comment leurs villages montagneux ont été soudain pris sous l'artillerie de l'armée irakienne, les familles contraintes à fuir et souvent à se disperser. Au bout de quelque temps, les habitants revenaient voir ce qu'il était advenu de leurs habitations. Devant les ruines, ils étaient alors arrêtés par l'armée, puis conduits vers des prisons dont beaucoup ne reviendront pas.

Ainsi, la sinistre prison de Nugrat Salman, près de Samawa (270 km au sud-est de Bagdad), est un lieu qui hante encore la mémoire des témoins qui évoquent les mois éprouvants qu'ils y ont vécu.

En septembre notamment, un témoin a décrit comment les femmes étaient conduites dans le bureau du directeur de la prison pour y être violées.

Après une suspension de deux semaines, le procès a repris lundi à Bagdad.

L'ancien président irakien et Hassan al-Majid, surnommé Ali le chimique pour son rôle dans les bombardements chimiques des zones civiles, sont accusés de génocide. En outre, tous les deux et cinq autres co-accusés, sont poursuivis pour crime de guerre et crime contre l'humanité contre les Kurdes pour avoir ordonné et exécuté les campagnes militaires d'Anfal, en 1987-1988, qui ont fait plus de 180.000 morts au Kurdistan, selon l'accusation.

Les sept accusés risquent la peine de mort s'ils sont reconnus coupables.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.