DATES
20 avril 2008

Règlement pacifique de la question kurde en Turquie



NOUS, les soussignés, déclarons être des Kurdes et nous voulons être reconnus comme tels, vivre dans la dignité sur la terre de nos ancêtres avec notre identité kurde et exprimer librement notre culture.

Depuis la création de la République de Turquie le peuple kurde, qui constitue environ le quart de la population, a vu son identité tenue pour inexistante, l’usage de sa langue interdit et considéré comme un crime, sa culture reniée et il a été privé de nombre de ses droits humains fondamentaux.

Aujourd’hui, dans la Turquie qui est candidate à l’Union européenne, il existe en langue turque plus d’une centaine de chaines de télévision et des centaines de radios diffusant à l’échelon national ainsi qu’environ cent trente universités et établissements d’enseignement supérieur. Mais il n’y a aucune chaine de télévision diffusant en kurde, aucune radio, aucune école primaire ou secondaire ni aucun établissement supérieur en langue kurde.

Revendiquer de telles institutions est considéré comme un crime, même des maires et des parlementaires élus par le peuple sont poursuivis pour ces motifs.

La Turquie refuse toujours de reconnaitre la réalité kurde, elle s’ingénie à la réduire à une question de terrorisme et elle cherche à régler cette question par des opérations militaires au-delà de ses frontières, ce qui ne fait qu’envenimer les tensions dans les relations kurdo-turques et menacer gravement les équilibres régionaux et la stabilité du Kurdistan irakien.

En dépit de ces pratiques implacables, les dirigeants de la Républiques de Turquie évoquent de temps à autre la fraternité kurdo-turque.

Cependant, cette conception de la fraternité n’est pas celle des Kurdes qui sont l’un des peuples les plus anciens de cette partie du monde qui fut l’un des berceaux de la civilisation humain.

Nous, Kurdes, nous tenons à disposer des mêmes droits que nos frères et nos voisins. La guerre et la violence ne devraient être le lot d’aucune société, elles ne sauraient être le nôtre. Nous refusons un tel destin.

Aujourd’hui, malgré certaines imperfections, le gouvernement du Kurdistan irakien en reconnaissant les droits de ses minorités religieuses et culturelles prouve qu’au Moyen Orient aussi des héritages culturels divers peuvent coexister pacifiquement dans la fraternité et l’égalité. C’est pourquoi nous pensons qu’il est grand temps d’arrêter l’engrenage de répression- révolte-répression, qui dure depuis deux siècles, et de faire taire les armes. Nous appelons à un règlement pacifique de la question kurde, qui n’a aucune solution militaire, sur la base des demandes communes minimales ci-dessous de notre peuple :

  • La constitution en cours d’élaboration ne doit pas définir la citoyenneté selon l’appartenance à la souche turque, elle doit mettre un terme à la négation du peuple kurde et reconnaitre son existence. Les citoyens kurdes doivent disposer dans leur langue d’un système public d’enseignement de tous niveaux ; leur droit à l’usage de leur langue dans l’espace public, à créer et exploiter des média en kurde, à fonder des associations, des institutions et des partis pour développer leur culture et pour exprimer et défendre librement leurs aspirations politiques doit être garanti.
  • Sur cette base, afin de créer un climat de paix et de confiance et de clore définitivement la page de la violence et d’affrontements armés, une amnistie politique sans exclusive doit être décrétée et le PKK doit déposer les armes selon une procédure à définir. De même, le système des milices dites « gardiens de villages » doit être supprimé.

Ces demandes ne mettent pas en question les frontières existantes, elles expriment des droits humains fondamentaux minimaux reconnus par tous les pays démocratiques à leurs citoyens. Ce n’est pas revendiquer ces droits qui devrait constituer un délit, mais bien de les refuser.

De nombreux intellectuels, écrivains et universitaires de Turquie déploient depuis longtemps des efforts sincères pour la recherche d’une solution.

Nous leur exprimons notre appréciation et notre gratitude même si ces efforts et initiatives n’ont malheureusement pas produit des résultats concluants. C’est pourquoi, nous appelons les pays européens et les Etats-Unis, qui portent leur part de responsabilité historique de la tragédie humaine vécue par le peuple kurde, qui a subi de grandes injustices tout au long du XXème siècle, à ne pas soutenir les politiques de négation et de violence et à contribuer à la préparation d’un terrain propice à un règlement pacifique en missionnant comme médiateur l’un des hommes d’Etat comme Bernard Kouchner, Tony Blair, Martti Ahtisaari ou Felipe González riches de leur expérience dans le règlement des questions irlandaise, basque, catalane et kosovare.

La réduction des inégalités entre les régions d’un pays est l’une des conditions de l’adhésion à l’Union européenne. En ce sens, la région kurde de la Turquie, victime d’une politique de négligence et d’arriération, a, pour son développement socio-économique, besoin d’une approche positive. Pour la reconstruction des provinces kurdes, il faudrait mettre en oeuvre des moyens adéquats, notamment pour rebâtir les quelque 3400 villages évacués de force par l’Etat turc dans les années 1990 sous prétexte de sécurité ; les lieux géographiques et les localités rebaptisés d’une manière arbitraire doivent retrouver leurs noms kurdes d’origine. L’Union européenne doit considérer comme un devoir moral d’élaborer un vaste projet de développement visant à assurer le retour dans leur foyer des quelque trois millions de déplacés kurdes chassés de leurs terres.

Pour nous la question kurde n’est plus seulement une question pour la Turquie, c’est une question pour le Moyen-Orient, pour l’Europe et pour l’Humanité. C’est pourquoi nous nous adressons à la conscience publique de Turquie et à l’opinion publique internationale et nous demandons leur soutien urgent pour un règlement démocratique et pacifique.

S u i t e . . .